Par Murielle Durand-G, Revue 303, arts, recherches, création. Né à Nantes comme tout le Monde.
trimestriel, N°96, 2007.
Christine Laquet est d’origine naturelle, femme de sous-bois qui a grandi dans la campagne lyonnaise avant d’arriver sur Nantes, pour le post-diplôme de l’année 2001-2002.
Depuis, elle développe conjointement une activité plastique et commissariale, collaborant depuis deux ans à la programmation du Cinématographe, dans le cadre des sessions Contrechamp, avec Stéphane Pauvret, Olive Martin, et Patrick Bernier.
Cette ouverture nourrit et éclaire transversalement son travail, qui se déploie, dans l’atelier, et à travers les résidences qu’elle multiplie. D’ailleurs, elle s’est installée à Nantes avec la conviction de n’être que de passage. « Je ne me suis pas attachée tout de suite, ne pensant rester que le temps du Post-diplôme. Puis, j’ai découvert les charmes d’ici, comme la mer, le marché… Mais j’ai souvent envie de partir. Au fond, je suis toujours sur le départ. »
Les images qu’elle réalise en aquarelle grand format ont l’insistance des images mentales rémanentes qui résistent. Personnages pénétrant dans la forêt, animaux sylvestres auréolés d’une lueur féerique, dans un bruissement végétal irréel (Wonderland, 2004), traces têtues et recomposées d’un réel qui apparaît morcelé, esquissant des narrations lacunaires, dont le sens, décidément, échappe. Notre compréhension butte sur un indocile inconnu qui pourtant s’offre à nous, renouvelant constamment ses efforts. L’essentiel est déjà là : « dans une histoire, il faut un lieu, des personnages et un début d’action », mais reste en suspens, orphelin d’une origine forcément manquante.
À l’instar des bêtes sauvages, ces images ne se laissent pas apprivoiser d’emblée, mais exigent du temps, d’autant qu’elle déjouent d’emblée la fascination de notre œil pour l’image leurre, celle qui reproduit le réel mieux que le réel. L’ombre de Zeuxis plane, paternelle, qui peignait si bien les raisins que les oiseaux venaient picorer ses peintures : « mon grand-père qui était peintre avait peint un chien plus vrai que nature qui faisait grogner celui qu’on avait. »
Les apparences sont en effet trompeuses : un cheval qui vole, Pégase improbable ; un paresseux grimaçant qui nous accueille à l’orée de la salle d’expo de Recife, au fond moins sympathique qu’il n’y paraît. Tout Eden est dangereux, et la nature déceptive de l’image nous invite à déjouer les bonheurs trop surfaits. A Pontmain, où la Vierge serait apparue à un groupe d’enfants, Laquet propose un dispositif, J’ai failli te rater, où une épiphanie de pacotille se découvre en procession, en marche lente.
Il y a beaucoup de plaisir dans le travail de cette artiste, plaisir sensible et ludique, notamment chez ces petites bestioles plumées, à la fois grotesques et agaçantes, les Miquines (prononcer [mikuins]), gigotant inlassablement au sol. La magie de l’inattendu n’a pas déserté l’univers de Christine Laquet ; il y a encore de la place et une ferveur religieuse pour écouter le brame miraculeux du cerf.
Dans le jardin de Rose-Marie Martin, en juin 2006, Christine Laquet avait présenté quelques unes de ses spirituelles et dissidentes créatures, tour à tour maternelles, apaisantes et terribles, tenant à la fois du conte de fée et du Projet Blair Witch. La Dame blanche, Wir sind dir Treu, (nous vous sommes fidèles), Mon bel augure nous invitent à nous tenir en respect de l’invisible, à percer les surfaces pour sonder le dessous des cartes, à fouiller le visible pour se rasséréner de la gratitude des esprits.